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Una importante reflexión sobre la evaluación y la filosofía

Coloco por su interés el último editorial de la prestigiosa Revue philosophique de la France et de l'etranger

Les appareils électroménagers ne sont pas les seuls objets à voir leurs performances étiquetées de manière alphabétique en vue de l’information des consommateurs. Dans un univers où tout peut donner lieu à l’édition de hit-parades (comme le classement dit de Shanghai pour les universités), les procédés d’évaluation automatique se multiplient. Par les procédures opaques d’agences spécialisées nouvellement créées, en Europe et en France, les revues de philosophie, et plus généralement des humanités, sciences de l’homme et sciences sociales, se voient réparties en quatre catégories hiérarchisées (A, B, C, non classées), supposées caractériser la qualité de la recherche qu’elles diffusent, en fonction de leur « rang international » pour l’European Reference Index for the Humanities de la Fondation européenne pour la science, de l’ « étendue de leur rayonnement » pour l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Le but est, très explicitement, de permettre, à travers celle des supports de leurs publications, une évaluation automatique, au seul vu de leur curriculum vitae, des chercheurs, en tant que candidats à des emplois ou à des promotions, mais aussi des équipes de recherche et des universités auxquels ils appartiennent, en vue de déterminer les moyens publics qu’il y a lieu de leur attribuer. Ces classements peuvent avoir des effets considérables sur les pratiques des chercheurs, à la fois comme auteurs et comme lecteurs, en les poussant d’une part à réserver les résultats de leur travail aux supports labellisés comme les meilleurs, et à se désintéresser d’autre part des textes publiés par les revues les moins bien classées. Un effet de prédiction autocréatrice ne pourra que se former en orientant textes et lecteurs vers les revues classées favorablement et en tarissant tant le vivier d’auteurs potentiels que le lectorat des autres, ce qui aura au moins pour effet de réduire la grande diversité qui fait la richesse du paysage éditorial des périodiques de sciences humaines : les revues bien classées verront leur situation s’améliorer du seul fait de ce classement et les autres seront vouées à disparaître. La « compétition » entre les revues, qu’il s’agirait de rationaliser, sera alors complètement biaisée par un système de handicap faisant porter son poids sur celles qui sont tenues pour les plus faibles dans cette compétition, mises hors jeu de ce seul fait (à commencer par les revues nouvellement créées ou rédigées dans des langues minoritaires).
Il s’agit à l’évidence d’aligner les sciences humaines sur des pratiques déjà établies dans les sciences de la nature, où l’article est, au détriment du livre, la forme de publication obligée et la hiérarchie internationale des lieux de publication particulièrement figée. Or, même dans ces disciplines où les critères de jugement par des experts peuvent paraître plus aisés à stabiliser (ne serait-ce qu’à travers la possibilité de dupliquer les expériences décrites), ce système produit des effets désastreux, en formatant à l’excès le type de publication attendu, en conduisant par exemple à passer sous silence la partie des résultats qui ne converge pas strictement avec la conclusion, en poussant finalement, on en a eu récemment plusieurs exemples, à la fraude, lorsque les enjeux de la course à la publication d’un résultat finissent par peser trop fortement. La recherche philosophique, en tout cas, qui suppose de traiter Platon comme notre contemporain (quand le physicien atomiste n’a pas à se préoccuper de Démocrite ou Épicure), de prendre le temps de la réflexion (et donc aussi celui de sa diffusion), ne saurait survivre dans un tel système de publication. Et les juges auxquels elle s’adresse pour évaluer sa fécondité ne sauraient se limiter à une « communauté des pairs » strictement contemporaine, car le temps de la postérité, impossible à anticiper, est nécessaire à cette évaluation.
S’il est souhaitable d’inciter les revues de sciences humaines à choisir les textes qu’elles publient sur la base d’une évaluation « par les pairs », procédé maintenant assez largement généralisé, on doit redouter comme particulièrement nocif à la qualité même des résultats tout ce qui irait dans le sens du conformisme se modelant sur les attentes supposées d’un comité de lecture. Non que philosopher puisse prendre n’importe quelle forme, mais simplement parce que les formes de cette activité sont multiples et que leur renouvellement ne doit pas être figé. Ainsi, si l’on peut par exemple se féliciter de voir d’importantes revues d’orientation analytique reconnues par ces classements, il faut rappeler que l’analyse conceptuelle et l’argumentation n’épuisent pas les formes légitimes de l’activité philosophique, qui peuvent consister aussi bien à développer une intuition ou à interpréter des textes. Il est donc nécessaire qu’un classement ne débouche pas sur le privilège d’une orientation philosophique particulière.
Les différentes langues, on le sait bien, ont des « génies » philosophiques particuliers, de sorte que la « traduction philosophique » constitue un genre très difficile. Un classement des revues philosophiques se doit donc aussi d’être neutre sous ce rapport. En mettant en avant le critère d’une diffusion internationale, on ne peut qu’inciter non seulement à l’appauvrissement linguistique que constitue la domination d’une langue de communication internationale unique, mais surtout à l’appauvrissement de la pensée lors de la rédaction dans ce qui peut devenir une forme de sabir inégalement maîtrisé.
Si les classements doivent éviter de privilégier une orientation ou une langue, ils doivent également traiter sur le même pied des revues inégalement spécialisées. Une revue dont l’objet est étroitement limité a besoin, pour sa rédaction et sa diffusion, d’une assise internationale. Une revue qui, comme on s’y efforce ici, tient le pari de rester généraliste, susceptible d’alterner des questions de philosophie des sciences, de philosophie politique, d’éthique, d’histoire de la philosophie, peut (elle le fait) s’ouvrir à des auteurs étrangers et non francophones ; elle pourrait facilement décorer sa deuxième de couverture des noms de collègues de divers pays prêts à la soutenir ; mais elle pourra difficilement être à la fois effectivement internationale dans son fonctionnement habituel et rester aussi diversifiée dans les thèmes abordés.
Dans les années 1950, Pitirim Sorokin dénonçait la « quantophrénie » qu’il observait dans la sociologie américaine. Aujourd’hui la manie de la quantification abusive a saisi les pratiques d’évaluation bureaucratique de la « vieille Europe » et la doyenne des revues de philosophie de langue française se voit obligée de s’associer aux nombreuses protestations que soulèvent, en philosophie et ailleurs, les modalités du classement des revues par les agences d’évaluation de la recherche.
La Revue Philosophique.
NOTES [*]Rédigé à la suite d’une large discussion au sein du Conseil scientifique de la Revue lors de sa dernière réunion (22 septembre 2008), ce texte a intégré les analyses et avis présentés alors ainsi que ceux qui ont pu être communiqués par la suite à la Rédaction.

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