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BOURDIEU ET LA PHÉNOMÉNOLOGIE



(Publié dans l'Abécédaire de Pierre Bourdieu, Paris, Les Editions Sils Maria / Vrin, 2006)

Il est possible retracer les rapports que Bourdieu a entretenus avec la phénoménologie sur trois plans. D’une part (a), Bourdieu prend parti dans les débats qu’il a connus au cours de sa période de formation et élabore ainsi sa propre philosophie. D’autre part (b), il utilise cette formation philosophique pour se démarquer des philosophies du monde social de ses concurrents dans le champ de la sociologie. Enfin (c), Bourdieu utilise les outils de la phénoménologie pour produire des problèmes empiriques qui permettent de faire progresser la connaissance du monde social.


a) Bourdieu a choisi Jean-Paul Sartre comme figure exemplaire de philosophie subjectiviste du monde social. Sartre, selon lui, fait des rôles sociaux la conséquence du projet personnel des sujets. Face à lui, Bourdieu considère que les positions que les agents occupent, au fil d’une trajectoire spécifique, sont la résultante d’une histoire collective qui s’incarne aussi bien dans les fonctions sociales que dans les corps. L’assemblage entre l’histoire faite corps et l’histoire faite chose ne devient qu’en de rares occasions un objet d’élaboration intellectuelle. Cette critique de Sartre montre comment Bourdieu attaque certaines versions de la phénoménologie avec des outils, sociologiquement élaborés, issus d’autres versions de la phénoménologie. Dans un texte où la diatribe contre Sartre accompagne une révision sévère, entre autres, des philosophies d’Althusser et de Foucault, il déclare que sa conception du lien intime entre l’agent et le monde est une déclinaison sociologique de « ce que le dernier Heidegger et Merleau-Ponty (spécialement dans Le visible et l’invisible) tâchaient d’exprimer dans le langage de l’ontologie, c’est-à-dire un en-deça “sauvage” ou “barbare” – je dirais simplement pratique - du rapport intentionnel à l’objet » (1).

b) On peut voir - c’est la deuxième dimension - que Bourdieu utilise ses compétences de philosophe pour penser la philosophie implicite au travail sociologique. Ainsi, et dans le prolongement du problème antérieur, Bourdieu considère-t-il que tout jugement d’un agent est un alliage entre jugement réflexif et tendances préréflexives. Par exemple, on peut décider consciencieusement de se vêtir de manière à paraître plus élégant. Peut on déduire de ce processus que ce sujet a agi de manière réflexive, donc comme un agent rationnel ? Pas du tout. Certes, le sujet ne s’habille pas de manière automatique : pour ceux qui sont incapables de détecter les contraintes sociales si ne s’expriment pas de manière mécaniste, ce comportement témoigne de sa liberté et de sa réflexivité. Cependant, à la base de l’activité élective on trouve des jugements dont les « prédications » ne se laissent en aucun cas réviser : dans notre exemple, le jugement selon lequel le vêtement sert à se faire remarquer et non à se sentir à l’aise. Ce traitement du problème du lien entre liberté et détermination, entre activité et passivité, procède d’une tradition phénoménologique issue de Husserl. Pour cette tradition, les jugements qui dirigent notre activité ont divers degrés de formalisation: certains sont bien définis et explicites, d’autres s’installent en nous de manière obscure et définissent la réalité à laquelle nous faisons face avec une distorsion particulière. Les deux types de jugement communiquent entre eux et il n’est pas facile de discerner ce que l’activité quotidienne d’un agent doit à l’un ou à l’autre (2). Les tendances de l’habitus et les décisions créatives s’y superposent de manière instable. Le bagage philosophique de Bourdieu lui permet ainsi de compliquer la différence philosophique entre liberté et nécessité qui souvent n’en fait qu’à sa tête, et parfois à l’insu de tous, dans les débats des sciences sociales.

c) Cette complication théorique aide Bourdieu à mieux interroger les cas de figure qui se présentent dans le travail empirique. Étant donné que les agents ont des degrés divers de distance et d’absorption dans leurs tâches, l’habitus se présente avec des degrés différents d’intégration interne,résultat d’une dialectique complexe avec la position sociale qu’il occupe. Par conséquent, le lien entre l’habitus et sa place dans le monde peut être 1) de co-appartenance absolue; 2) de décalage entre des dispositions résultant d’une trajectoire sociale et un monde qui, en se transformant, ne les accueille plus; 3) de suspension momentanée de l’identification et donc d’ouverture d’un certain degré d’indétermination dans une activité qui jusque-là fonctionnait sans questionnement; 4) d’insertion différente selon les domaines d’activité dans lesquels l’agent évolue - dans certains domaines il peut être lié absolument à son rôle, tandis que dans d’autres il peut se distancier - ou selon la position qu’il occupe dans l’espace social - une personne qui entreprend de modifier sa position sociale a tendance à réviser les « premiers mouvements » de son habitus avec beaucoup plus de précision que celle qui se sent « à sa place », destinée par le sort à un certain type de vie - .

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(1)  Bourdieu, “Le mort saisit le vif. Les relations entre l’histoire réifiée et l’histoire incorporée”, Actes de la recherche en sciences sociales, nº 32-33, 1980, p. 7.
(2) F. Heran, “La seconde nature de l’habitus. Tradition philosophique et sens commun dans le langage sociologique”, Revue française de sociologie, XXVIII, 1987, p. 407-408.
(3) P. Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997, p. 184-193.

Comentarios

Pablo ha dicho que…
¿Cómo estás José Luis? Yo desde Polonia siguiendo vuestro trabajo, el tuyo y el de vuestro grupo de trabajo "Sociología de la filosofía".

Este año estoy estudiando a fondo la fenomenología, aunque veo que me desborda: partimos, en la UNED, con San Martín, de Husserl...pero claro, a nada que tengas algo de interés vas a Patocka, Henry, Richir, Merleau-Ponty...difícil!! Apasionante desde luego.

El caso: ¿tienes estos artículos (que supongo tuyos) en castellano? A ver si los publicas por aquí algún dia para los monolinguistas.

Un saludo

Pablo
José Luis Moreno Pestaña ha dicho que…
Hola Pablo,
¡Pero qué buen menú de lecturas y qué envidia sana te tengo! Estudiar fenomenología es aprender mucho.
Sí, son mis entradas del "Abecedaire de Pierre Bourdieu", y debería desarrollarlas... Pues si soy capaz debo incluir esto en un libro que preparo con el proyecto sobre la relación entre filosofía y ciencias sociales en España y Francia.
. Algo de esto hay en "Foucault y la política" que saldrá en "Tierra de Nadie"
¡Qué gusto que nos leas! Intentaremos hacerlo bien.
Un saludo
JL
Pablo ha dicho que…
Pues nada, esperaremos a ese libro.Por cierto que pretendo aprender alemán, la fenomenología me ha convencido jaja...

Además decirte, que me gustó mucho tu entrada sobre el fútbol...!!y eso que soy del Madrid!!...pero es que no se puede aguantar a este tipo.

Un abrazo y que vaya bien.

Pablo

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